La fausse idée d'une sexualité sans orgasme.
- al
- 25 mars
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Peut-on vraiment parler de liberté sexuelle lorsque l’orgasme devient suspect et que le désir de jouir est perçu comme une relique archaïque ? Sous couvert de bienveillance, certains discours contemporains tendent à effacer ceux qui, pour certains, sont des besoins profonds et légitimes. À l’injonction de performance se substitue alors une norme plus silencieuse : celle d’une sexualité prétendument évoluée, mais souvent déconnectée des réalités cliniques et des vécus intimes.

Un discours séduisant mais potentiellement trompeur
Le concept d'une sexualité non centrée sur l'orgasme possède indéniablement certains mérites. Il propose une vision inclusive et bienveillante et souligne l'importance du plaisir partagé, de l'exploration sensuelle, de la communication affective et corporelle entre partenaires. Il apparaît également comme une réponse à la pression excessive de la société, les médias ou même la pornographie, qui tendent à ériger l'orgasme et la pénétration en objectifs obligatoires, voire exclusifs, d'un rapport sexuel réussi.
Cependant ce discours séduisant peut rapidement se transformer en une nouvelle injonction implicite d'une sexualité « saine » et « évoluée » parce que non soumise à l'exigence orgasmique. Or, en réalité clinique, la plupart des personnes qui consultent en sexologie expriment justement des difficultés liées à l'atteinte de l'orgasme, à la frustration sexuelle, à l'incapacité de se sentir pleinement satisfaites dans leurs sexualités.
Pourquoi vouloir séparer sexualité sans orgasme et sans pénétration ?
À la racine de cette proposition, on retrouve un souhait légitime : libérer la sexualité de son aspect normatif, ouvrir la porte à d'autres pratiques érotiques et favoriser une sexualité plus souple et diversifiée. Rappelons que chaque individu et chaque couple construit une sexualité unique, qui peut ou non intégrer la pénétration, et qui peut ou non être centrée sur l'orgasme.
Toutefois, la séparation systématique entre orgasme et pénétration présente certains risques lorsqu'elle est érigée en nouveau standard. En premier lieu, elle peut ignorer la diversité des enjeux inconscients liés à la sexualité. La pénétration, tout comme l'orgasme, ne sont pas simplement des actes mécaniques mais portent une dimension psychique profonde. Négliger ou minimiser ces dimensions peut paradoxalement conduire à de nouvelles frustrations ou renforcer des blocages déjà existants.
L'orgasme, souvent besoin physiologique et psychologique
Si l'idée d'une sexualité sans orgasme apparaît séduisante, elle oublie souvent que l'orgasme s caractérise comme un plaisir intense et comme besoin physiologique, lié à la libération de certaines tensions corporelles et psychiques. L'orgasme libère d'abord de la dopamine, suivi d'une sécrétion d'endorphines, d'ocytocine, de vasopressine, de sérotonine et de prolactine, induisant une sensation durable de bien-être, de détente et d'attachement.
Sur le plan psychologique, atteindre l'orgasme permet à beaucoup de personnes de ressentir une forme de complétude, de validation personnelle et relationnelle, ou simplement de soulagement face au stress accumulé.
Le rôle du sexologue
Face à la prolifération de discours idéologiques sur la sexualité — entre apologie de la jouissance et exaltation du lâcher-prise —, la sexologie clinique reste l’un des rares espaces où le vécu singulier, la complexité psychique et les souffrances silencieuses peuvent réellement être entendus. Son rôle n’est pas de prescrire une bonne manière de jouir (ou de ne pas jouir), mais d’aider chacun·e à comprendre ses désirs, ses blocages, ses représentations, pour retrouver une sexualité choisie et pleinement alignée avec soi.
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