Amendement 159. Dérembourser la psychanalyse, rembourser l’ignorance
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Par Gianpaolo Furgiuele, Psychanalyste à Nice

On ne soigne pas un être humain avec un tableau Excel .Un amendement propose aujourd’hui de retirer tout remboursement aux pratiques psychanalytiques. Lacan l’avait prévenu quand il disait que « Le réel ne se laisse pas administrer. » Un amendement qui va sûrement passer sans trop de souffrance.
Et pourtant, c’est bien ce qui va se passer avec la tentation d'administrer la vie psychique et de la rendre mesurable, compatible avec le budget.
Aux États-Unis, Otto Kernberg rappelait que « le soin psychique échoue dès qu’on ignore la complexité du monde interne ». Stephen Mitchell allait plus loin soutenant qu'« une thérapie sans subjectivité devient une technique vide. »
Le texte de l'amendement, dont le but de "protéger la science", réduit la santé mentale à une vision du soin rapide et rentable.
Mais un être humain n’est ni rapide, ni standardisé, ni rentable. Il parle, hésite, régresse, avance, bref, il vit.
Delegittimer la psychanalyse
Supprimer le remboursement de la psychanalyse signifie fermer la porte du service public à ceux pour qui la parole est la seule chance de reprendre souffle.
En revanche, si la psychanalyse est aujourd’hui si facilement attaquée, c’est aussi parce qu’une part du problème vient de l’intérieur. Trop de thérapeutes, journalistes, opinionistes, psy fraîchement diplômés, trop d’étudiants qui s’en réclament sans en avoir parcouru le chemin, n’en connaissent que trois phrases de Freud ou deux slogans attrapés en séminaire. Ils s’autorisent pourtant à juger une discipline dont ils n’ont traversé ni la rigueur, ni la formation, ni l’expérience.
La psychanalyse est-elle scientifique ?
La psychanalyse n’est pas une science de laboratoire, c’est une science du sujet, du langage, du symptôme. Elle ne prétend pas mesurer l’inconscient avec une règle ou un scanner, mais elle produit des effets cliniques, des transformations durables, observables, reproductibles dans la cure.Quant à l’argument de la « validité scientifique », il serait sans doute plus… scientifique de quitter ses certitudes, d’ouvrir les revues internationales, et de constater la quantité d’études qui démontrent l’efficacité des psychothérapies d’inspiration psychanalytique, notamment sur le long terme.Ce sont les caricatures internes, voir l’ignorance, qui ont offert des armes à ceux qui veulent la démanteler.
« Le psychanalyste n’est pas celui qui explique, mais celui qui laisse advenir », disait Lacan. L’amendement veut précisément supprimer cet espace. Et cela, aucune loi ne devrait l’effacer.