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La psychanalyse française a longtemps refoulé les questions raciales et coloniales

Cela paraît d'autant plus étonnant qu'on trouve déjà chez les surréalistes, entre les années 1920 et 1940, des tentatives d'allier opposition au colonialisme et psychanalyse.



Pour ce qui est de l'autre puissance impérialiste du Vieux Continent, la France, force est de constater que la rencontre entre psychanalyse et racisme y est à la fois plus tardive et encore plus excentrée. Il est vrai que la psychanalyse a pénétré plus lentement en France qu'ailleurs et qu'il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que le freudisme s'y installe véritablement. Il n'en reste pas moins surprenant de voir comment la psychanalyse française semble avoir esquivé la question raciale, et la question coloniale dont elle était inséparable. Cela paraît d'autant plus étonnant qu'on trouve déjà chez les surréalistes, entre les années 1920 et 1940, des tentatives d'allier opposition au colonialisme et psychanalyse.

On connaît le rôle d'avant-garde qu'ils ont joué dans l'importation du freudisme en France, ainsi que la fonction essentielle qu'ils lui assignaient pour la réalisation d'une révolution esthétique qui n'était pas sans remettre profondément en cause l'anthropologie de matrice coloniale. Il suffit en ce sens de rappeler l'influence d'André Breton sur Aimé Césaire et sa pensée de la Négritude, au début des années 1940, après leur rencontre en Martinique où le représentant principal du mouvement surréaliste avait trouvé refuge après la capitulation française en 1941. Ce sont là des amorces, insuffisamment examinées par ailleurs du point de vue historiographique, d'une implication possible de la psychanalyse française dans une perspective anticoloniale et décolonisatrice. Toutefois, cette première impulsion venant des surréalistes ne trouve pas d'écho, et n'a pas non plus de réel prolongement dans la «France freudienne» de l'après-guerre; c'est plutôt de la périphérie coloniale que viennent ensuite les tentatives de reposer la question du racisme, et son lien irrécusable avec l'histoire coloniale, à partir de ses logiques inconscientes. Ainsi du livre-événement de Frantz Fanon, Peau noire, Masques blancs (1952), qui rouvre soudainement le dossier du racisme (post)colonial, en reprenant la perspective selon laquelle le Noir est foncièrement aliéné au regard que porte sur lui le Blanc, tout comme le Juif l'est au regard de l'antisémite; mais les choses alors se compliquent et se tordent, en étant mises à l'épreuve d'une auto-analyse et d'une lecture serrée du rapport d'identification et de désidentification des Antillais à l'idéal blanc...


Extrait d'un article paru sur Slate http://www.slate.fr/story/205043/bonnes-feuilles-vie-psychique-racisme-livio-boni-sophie-mendelsohn-la-decouverte


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